" J'aime, trancha Verlaine, le mot de décadence tout miroitant de pourpre et d'ors. J'en révoque, bien entendu, toute imputation injurieuse et toute idée de déchéance. Ce mot suppose au contraire des pensées raffinées d'extrême civilisation, une haute culture littéraire, une âme capable d'intensives voluptés. Il projette des éclats d'incendies et des lueurs de pierreries. Il est fait d'un mélange d'esprit charnel et de chair triste et de toutes les splendeurs violentes du bas-empire; il respire le fard des courtisanes, les jeux du cirque, le souffle des belluaires, le bondissement des fauves, l'écroulement dans les flammes des races épuisées par la force de sentir, au bruit envahisseur des trompettes ennemies. La décadence, c'est Sardanapale allumant le brasier au milieu de ses femmes, c'est Sénèque s'ouvrant les veines en déclamant des vers, c'est Pétrone masquant de fleurs son agonie. C'est encore, si vous voulez prendre des exemples moins éloignés de nous, les marquises marchant à la guillotine avec un sourire, et le souci de ne pas déranger leur coiffure. C'est l'art de mourir en beauté"
Verlaine, été 1886, entretien avec Ernest Raynaud image:Verlaine par Edgar Chahine
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